Dans le vent

Elle aimait être là, au bord de la falaise, la plage s’étendant sous ses pieds. Le roulis des vagues s’écrasant sur les façades de craie de la falaise emplissait ses oreilles. Et surtout, surtout, le vent qui rougissait ses joues et emmêlait ses cheveux.

Une tempête s’annonçait. Au loin, les nuages menaçaient et la mer grondait. Le vent quant à lui, s’intensifiait petit à petit. Il avait été une petite brise, puis un souffle frais qui soulevait à peine quelques mèches de cheveux. Depuis un moment il était devenu bourrasques violentes, la poussait dans le dos ou lui frappait la face comme pour l’empêcher d’avancer. Elle avait l’habitude de ces vents impétueux et jouait avec depuis son enfance.

Ce jour-là, sur la falaise, elle avait décidé de profiter des éléments déchaînés jusqu’à ce que ses doigts rougissent à cause du froid. Elle souriait à pleines dents, face au vent et aux embruns, quand soudain quelque chose changea.  L’air qui jusqu’à maintenant tourbillonnait autour d’elle innocemment s’était transformé en un mur de vent impénétrable. Impossible d’avancer, ou même de reculer. Elle était entourée d’une forteresse de blizzard solide bien qu’invisible. Le bruit du vent se fit fracas dans ses oreilles.Les nuages de tempête n’étaient pourtant pas encore sur elle et restaient au loin. La force de l’air qui la pressait et s’engouffrait dans ses narines la faisait suffoquer. Elle devait réussir à s’échapper, ou elle ne savait pas ce qui pourrait lui arriver !

Elle tenta d’avancer un pied devant elle. Le vent se plaqua contre tout son corps, comme un mur de briques invisibles. Elle essaya de reculer mais se heurta de nouveau à cette barrière d’air impénétrable. Tout doucement, elle s’accroupit, espérant la force des bourrasques moins forte au sol. Peine perdue, le blizzard semblait appuyer de tout son poids sur sa tête et ses épaules, comme pour la maintenir au sol. Alors qu’elle commençait à désespérer, les larmes aux yeux, de parvenir à s’enfuir de cet enfer, elle sentit le vent changer de direction de nouveau. Formant un tourbillon, il l’entoura et la souleva de terre.

Elle était désormais entourée de vent, coincée dans ce petit espace entre terre et ciel.

Elle n’avait aucune idée de quand ou même si elle pourrait s’en sortir. Soudain, elle entendit un grondement s’élever au milieu du vacarme déjà causé par le vent. La panique, qui était auparavant bien installée dans son esprit, prit le contrôle de tout son être. Elle ne savait pas d’où venait ce bruit, elle ne pouvait même pas tourner la tête pour le découvrir, elle ne savait pas quand elle allait retomber sur le sol. 

Le grondement se rapprochait de plus en plus.

Elle essaya de crier mais le vent s’engouffrait dans sa bouche, l’empêchant d’émettre le moindre son. Soudain, elle vit la falaise sous ses pieds s’éloigner petit à petit. Elle pensa tout d’abord que le vent l’emportait plus haut, mais non. En réalité, la falaise de craie était en train de s’effondrer. Le grondement qu’elle entendait était celui de la roche qui se fissurait. Elle sentit le tourbillon autour d’elle bouger, l’emportant dans le sillage des roches de la falaise qui roulaient jusqu’à la plage en contrebas. 

C’était fini, pensait-elle, elle allait tomber de toute cette hauteur !

Mais la descente se faisait lentement, sans à-coup. Avant même qu’elle ait eu le temps de réaliser, le sable de la plage était à moins d’un mètre sous ses pieds. A l’exception du tourbillon de vent qui la maintenait prisonnière, tout était redevenu calme autour d’elle. La falaise avait cessé de s’effondrer, les éboulis étaient terminés.

Le vent cessa.

Libérée de l’emprise du blizzard, elle retomba sur le sable doux, sans se blesser. Abasourdie, elle resta là, à tenter de comprendre ce qu’il venait de se passer. Si elle n’avait pas été retenue par le vent, elle aurait été emportée par la chute de la falaise ! Est-ce que le vent l’avait sauvée ? Alors qu’elle pensait à cela, une légère brise vint caresser sa joue. Elle en était sûre maintenant, le vent lui avait sauvé la vie sciemment ! Le vent avec lequel elle jouait depuis toute petite avait aujourd’hui pris soin d’elle.

“Merci !” s’exclama-t-elle, et elle commença  à cheminer pour rentrer chez elle avant que la tempête ne démarre réellement.

Quelque-part autour d’elle, elle pouvait entendre comme un rire léger et cristallin dans la brise.

Une réflexion sur “Dans le vent

  1. Avatar de Granny
    Granny dit :

    Beau texte qui nous emporte en bord de mer
    C’est très étrange ces sensations
    La narratrice semble avoir puisé dans ses souvenirs d’enfance pour nous emmener dans un monde imaginaire où les éléments se déchaînent.

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