Il était sûr de l’avoir posé là. Mieux que ça, il était persuadé que le livre qu’il cherchait n’avait pas quitté cette étagère, cet endroit précis de l’étagère, depuis des semaines. Et aujourd’hui, à cette même place, il n’y avait rien.

Il aurait pu laisser passer pour une fois, se dire qu’il avait oublié qu’il l’avait déplacé plus tôt. Mais ce n’était pas la première fois qu’il rencontrait ce problème. 

Depuis quelque temps, autour de lui, les choses disparaissaient. Il pensait au départ qu’il les avait simplement déplacées et égarées. Mais au fil des jours, aucun objet ne réapparaissait. Impossible de les retrouver. Pire, la place de ces objets restait vide.

Petit à petit, l’espace de sa chambre, de son bureau, de sa cuisine, se vidait. Les étagères et les placards n’étaient plus remplis. Le vide remplaçait le plein. Là où auparavant il y avait des objets, il y avait désormais l’absence d’objets. Et rien ne pouvait combler cette absence.

Une fois, il essaya de poser un nouveau livre à l’endroit où se trouvait celui qu’il avait perdu. Le lendemain, ce nouveau livre avait disparu à son tour. 

Jour après jour, l’absence envahissait ses étagères, ses placards, ses murs. Et un jour, l’absence commença à toucher des personnes.

La voisine du premier étage était absente. Personne ne s’inquiétait, cela semblait normal pour tout le monde. Mais lui la remarquait, cette absence. Puis ce fût au tour de la boulangère en bas de la rue. Le jeune homme qui faisait tout le temps du vélo en bas de l’immeuble. Son cousin. Son professeur de guitare.

Plus les jours passèrent, plus l’absence de personnes autour de lui se fit grande. 

Un matin, au réveil, il se rendit compte que plus aucun objet n’était présent autour de lui. Il sortit dans la rue, mais il ne rencontra personne.

Il était entouré d’absence.

L’absence de choses.

L’absence de gens.

Il était seul. Dans l’absence. Le vide remplaçait désormais le plein.

Alors il s’assit, comme pour occuper ce vide, pour être présent dans cette absence. Et il attendit.

Peut-être même est-il encore en train d’attendre, attendre que le vide se remplisse de nouveau, ou que lui aussi, à son tour, soit absent.