On dit que les murs ont des oreilles.
On dit que les maisons respirent.
On dit que les foyers ont une âme.
La petite fille avait bien entendu toutes ces histoires et ne s’étonnait plus lorsque sa maman expliquait que les grincements qu’elles entendaient la nuit étaient ceux de la maison, parce qu’elle était vieille. Après tout, sa mamie aussi grinçait parfois. Lorsqu’elle se levait trop vite, ou lorsqu’elle restait debout trop longtemps. La petite fille l’entendait souvent grincer lorsqu’elle se baissait pour remplir la gamelle du chat.
“Ouhlalalala, que la terre est basse !” disait-elle après en grinçant.
Alors ce n’était pas étonnant, pas étonnant du tout que la vieille maison grince de temps en temps aussi.
Les premières fois qu’elle a entendu les grattements dans les murs, la petite fille n’était pas étonnée. Si la maison grinçait, elle pouvait bien gratter aussi.
Mais au bout de quelques temps, elle s’aperçut que les grattements étaient un peu différents. Les grattements venaient uniquement des murs.Les grincements, eux, venaient de toute la maison. Le toit, les escaliers, les fenêtres, la cheminée…Mais les grattements ne s’entendaient que depuis les murs. Encore plus étonnant, la petite fille semblait être la seule à les entendre. Sa maman ne voyait pas de quoi elle voulait parler et sa mamie lui faisait remarquer que de toute façon, elle n’entendait plus grand chose en général.
Alors la petite fille commença à faire plus attention à ces grattements.
C’était la nuit qu’elle les entendait le plus. Comme si, dans le mur derrière son lit, vivaient des dizaines de petits insectes.
Au moment de s’endormir : gratt gratt.
Quand la lumière s’éteint : gratt gratt.
Quand elle se lève pour aller boire un verre d’eau : gratt gratt.
La petite fille entendait ces grattements de plus en plus souvent. Mais lorsqu’elle en parlait, toujours sa maman lui disait :
“Tu as beaucoup trop d’imagination ! Moi je n’entends rien !”
Un peu énervée que personne ne la croit, la petite fille décida de mener l’enquête. Elle l’avait vu à la télé. Lorsque personne ne croit le héros, il fait une enquête et trouve des preuves. Elle allait faire pareil.
Armée d’un petit carnet et d’un gros crayon rouge, elle allait noter à chaque fois où et quand elle entendait les grattements. Ce soir-là, installée dans son lit, elle se tenait prête. Sa maman vint lui dire bonne nuit, éteignit la lumière et ferma la porte de la chambre. La petite fille n’eut même pas le temps de compter jusqu’à 10 que cela recommença.
Gratt gratt.
C’était là, derrière elle, juste sur le mur, vers la droite. La petite fille dessina une petite croix rouge à l’endroit d’où venaient les bruits, y ajouta le numéro “1” et nota dans son carnet, apres avoir vérifié l’heure sur le gros réveil ourson sur sa table de chevet :
“1 : 19h50, dans ma chambre”
Elle continua ainsi toute la nuit, du moins jusqu’à ce qu’elle s’endorme malgré elle.
Au matin, quand sa maman vint la réveiller, elle laissa échapper un cri :
“Mais qu’est-ce qu’il s’est passé ici ?!”
Les murs de la chambre de la petite fille étaient recouverts de petites croix rouges et elle était endormie au milieu de la chambre, sur le tapis, la tête posée sur le carnet grand ouvert dans lequel des dizaines de lignes avaient été griffonnées.
La petite fille fut punie. Elle dut nettoyer tous les murs sur lesquels elle avait dessiné et elle était privée de dessert pendant toute la semaine. Tout ça était trop injuste ! Pourquoi est-ce que personne ne voulait la croire ?
Le soir d’après, la petite fille était dans son lit à ruminer sa punition, quand elle entendit de nouveau un grattement.
Juste derrière elle, gratt gratt.
Pour la première fois, elle décida de faire la même chose. Elle gratta à son tour sur le mur. Gratt gratt.
Les grattements dans son mur répondirent. Gratt gratt gratt.
Oh bah ça ! Elle avait donc bien raison depuis le début ! Il y avait quelque chose dans les murs !
Elle gratta de nouveau le mur. Gratt gratt gratt.
La chose dans le mur répondit de nouveau. Gratt gratt. Puis cela recommença un peu plus loin. Gratt gratt.
Oh ! La chose dans le mur se déplaçait ! La petite fille suivit le bruit. Elle suivit les petits grattements en riant tout autour de la chambre. Puis elle suivit les grattements dans le couloir. Ensuite elle les suivit en bas de l’escalier.
Quand elle arriva dans la cuisine, la chose dans le mur la guida jusqu’à la porte de derrière, celle avec l’ouverture dedans pour que le chat sorte la nuit. La porte était fermée à clé et la petite fille n’avait pas le droit de sortir. Alors elle s’accroupit au niveau de la chatière, en espérant voir la chose dans le mur dehors.
Soudain, une main noire et griffue surgit de l’ouverture et attrapa la cheville de la petite fille. Celle-ci se mit à crier et à se débattre et s’accrocha au pied de la table de la cuisine. En secouant la table, ce qu’il y avait dessus tomba au sol près de la petite fille, qui commença à lancer des objets sur l’horrible main qui essayait de la tirer à travers la chatière. Mais rien n’y faisait, la main ne lâchait pas prise, même quand elle lançait une assiette, des noix, des fourchettes, une pomme, un rond de serviette…
La petite fille criait et pleurait, mais c’était comme si personne ne pouvait l’entendre. Désespérée, elle attrapa le dernier objet tombé de la table, la salière, et la lança de toutes ses forces vers la monstruosité accrochée à sa cheville. Alors que la salière était encore en l’air, elle s’ouvrit et répandit le sel partout sur le sol, la porte et la main diabolique. Lorsque le sel la toucha, la main commença à se contracter, comme si cela lui faisait mal. De la fumée commença à s’échapper des morceaux du monstre qui avaient été touchés par le sel et de l’autre côté de la porte on entendit un grognement de douleur.
La main lâcha la cheville de la petite fille qui s’enfuit à l’autre bout de la cuisine et ressortit de la chatière vers le jardin.
La petite fille resta longtemps à pleurer sur le sol de la cuisine, jusqu’à ce que sa maman, qui se levait pour prendre un verre d’eau, la trouva et l’emporta dans son lit pour la consoler, même si elle ne comprenait pas bien ce qu’il venait de se passer.
Le lendemain, la petite fille nettoya tous les murs de sa chambre avec de l’eau salée, pour faire fuir la chose dans les murs. Elle prit soin également de toujours renverser un peu de sel dans l’eau que sa maman et sa mamie utilisaient pour nettoyer après cette aventure.
Plus jamais la petite fille n’entendit de grattements dans les murs après cela.
Mais de temps en temps, sans que personne ne sache pourquoi, sur les murs de la maison, apparaissait une petite croix rouge.